L'histoire de Vilde
En sa qualité de Rêvarchitecte, Haucourt se targuait souvent d’avoir vu nombre de merveilles – ce qui n’était pas peu dire. Les tempêtes orageuses au large de l’Atlas, les fêtes oneiroi à la lumière des trois phares, le jardin luxuriant qui entoure la Grande Place… Même les cauchemars qu’il chassait dans le cadre de son travail revêtaient cette magnificence commune à tout ce qui existait au cœur de la Cité de Minuit.
Il y avait la noirceur, tout le temps. Les ténèbres insondables, belles et coupantes comme des morceaux de verre. La splendeur sans pareille des Nocturnes. Comme l’on pouvait s’y attendre, Haucourt ne voyait pas la beauté de la lumière, intoxiqué par la Nuit.
Un beau jour, on l’appela pour une mission, un cauchemar à vaincre, une ombre à déloger. Il se mit en route et décida de frapper à la porte de Vilde, celle avec qui il officiait, afin qu’elle l’accompagne.
Elle ne répondit pas, si bien qu’il entra dans la maison de la Rue de Lune. La bâtisse était silencieuse, une horloge tictaquait à sa manière, et rien ne venait troubler le calme qui y régnait. Il y avait de la lumière, en bas ; il descendit et pénétra dans la cave.
Qu’il fut surpris, Haucourt, quand il découvrit l’incroyable collection que sa consœur conservait chez elle. Cette dernière demeura interdite quand elle vit le Rêvarchitecte sur le pas de sa porte, puis elle recouvra son calme et l’invita à entrer. ‘Ici, dit-elle, tu découvres mes prières à la Lune.‘
Il y avait, partout, des bijoux façonnés de rayons de lune. Des pierres de rêve blanches, rondes ou en forme de croissant, enchâssées dans des médaillons, des pendentifs, des talismans, des montres en oneirium, dans lequel la lueur d’une lanterne se reflétait.
‘Est-ce toi qui as réalisé ceci ?’ demanda Haucourt sans y croire. Vilde acquiesça. Ce qui l’étonnait : son amie et consœur n’était pas réputée pour sa douceur, ou sa patience, et tout ici pourtant témoignait d’une incroyable constance, un travail long et difficile d’un surprenant raffinement.
‘Pourquoi ? s’exclama-t-il alors. Pourquoi garder le secret ? Ces trésors… Tant des nôtres aimeraient les admirer.
— Je te l’ai dit, il s’agit de prières à la Lune. Laisse ma lumière où elle se trouve, s’il te plaît ; je t’offre de la contempler, mais ne la révèle à personne.’