Les Maisons-Lanternes
Un jour, un client entra dans l’atelier de la Rue de Minuit et se dirigea tout droit vers le fond de la boutique, là où se trouvaient des dizaines de petites maisons d’argile bleue. Il y en avait de toutes les tailles et de toutes les formes, avec des toits en bois, en ardoise ou en chaume, des murs de brique ou de crépis, et tant de nuances de bleus…
Après avoir contemplé les maisons, le client se tourna vers la tenancière de l’atelier, et lui demanda :
« Est-vous qui fabriquez ces maisons ? J’en reconnais quelques unes, comme celle de la Rue des Corneilles… Pourquoi un tel travail ? »
La tenancière sourit, puis elle éteignit la lumière de l’atelier. Là, on put découvrir le secret de ces maisons : chacune d’entre elles abritait une lueur, petite flamme bleue vacillant doucement. Le client applaudit des deux mains.
« Elles vivent, en plus ! s’écria-t-il. Elles sont habitées !
— Il s’agit, comme vous l’avez remarqué, des maisons de la Cité. J’ai toujours voulu raconter l’histoire de notre si belle ville, alors… N’y a-t-il pas de meilleure façon de raconter cette histoire qu’en racontant ses maisons ?
— Et pourquoi vouloir raconter la Cité de Minuit ? »
L’artisane sourit encore, mais plus tristement cette fois. Elle se détourna, observa plusieurs maisons-lanternes, en effleura une du doigt, puis reprit d’une voix pensive :
« Qu’est-ce qu’une ville, sinon un amoncellement de maisons ? Qu’est-ce qu’une maison, sinon un foyer ? J’ai passé toute ma vie à chercher un endroit qui serait chez moi… Alors j’ai fabriqué des maisons.
— Et avez-vous trouvé votre chez-vous ? »
La question, posée sur un ton si doux, arrache un petit rire à la tenancière, toujours triste, mais avec un rien de joie malgré tout.
« Oui, répondit-elle. Oui, je l’ai trouvé. »