L'histoire de Mani
Ils étaient deux depuis toujours, deux enfants Oneiroi nés sous les mêmes étoiles, abreuvés de rêves, riant des mêmes histoires et refaisant le monde du bout de leurs doigts infusés de magie.
Ley était belle comme le soleil, avec des yeux dorés, la peau sombre, un rire chaleureux ; Mani était son opposé, la peau blanche comme la lune, les cheveux noirs comme la nuit, les yeux calmes et attentifs. Ils vivaient ensemble dans le même camp dans le désert, et la même maison dans la Cité, après que la Vague détruisit les bancs de sable et les dunes. Ils découvrirent les histoires en désordre des Nocturnes, les mots oubliés, le papier qui se souvenait. Et Ley tomba amoureuse de l’Atlas.
Elle voulait partir plus que tout, prête à laisser Mani derrière elle.
Son amie rêvait de prendre la mer, et cela peinait tant Mani qu’il était prêt à tout afin la faire changer d’avis. Mais rien n’y fit. Attristé, il décida de lui offrir son bien le plus précieux : une pierre de rêve si blanche qu’elle ressemblait à la Lune. Un éclat de son cœur brisé.
Il espérait qu’elle change d’avis. Mais il n’eut pas le temps de la trouver afin de lui confier ce trésor : elle était déjà partie, sans mot ni adresse. Et Mani, les années qui suivirent, guetta son retour en haut d’un des trois phares, scrutant l’Atlas, priant pour que Ley revienne un jour.
Ce qu’elle fit. Des siècles plus tard. Mani était resté jeune – le Temps faussé n’avait aucune prise sur lui et sa nature Oneiroi —, mais pas Ley, qui revint avec l’apparence d’une vieille femme. L’Atlas lui avait volé sa jeunesse, pas son sourire, toujours le même. Elle retrouva Mani et leur maison dans la Cité, et leurs rires retentirent de nouveau. Le fragment de cœur brisé, lui, demeura perdu à jamais.