L'histoire de Ley
L’on avait perdu l’histoire de la Cité en même temps que le Vrai Temps, et avec elle les récits des marins, les périples sur l’Atlas, les voyages sur le rêve. Des mots et des pages perdues, oubliées pour toujours et avalées par le néant, une amnésie trop forte pour qu’on puisse la vaincre un jour.
Puis l’Oubli s’est envolé. Les mots ont retrouvé leur place sur le papier. À l’envers, dans le désordre, parfois manquants, ils ravivaient la mémoire enfuie et les voix égarées de ces Nocturnes tombés dans les flots et jamais remontés.
Ley était enfant quand la Vague, la seconde, a manqué de ravager la Cité de Minuit. Trop jeune encore pour partir en mer, alors qu’elle le souhaitait de tout son cœur, elle a passé le temps et grandi au milieu des récits des marins d’autrefois, les remettant dans l’ordre, et s’en est inspirée pour créer des bijoux.
Elle était Oneiroi, et maîtrisait son art de la plus belle des manières ; il arrivait parfois que les adultes l’admirent alors qu’elle manipulait le rêve, le transformant en brume puis métal. Ils y voyaient là une volonté farouche de raconter ces histoires à jamais effacées, mais ils se trompaient : ils n’entendaient pas, en vérité, le cri de détresse en réponse à l’appel de l’Océan.
Ley voulait partir. Elle voulait monter à bord du Thésée, quand ce dernier a pris la mer, premier bâtiment à quitter la Cité de Minuit depuis des millénaires, mais son capitaine a refusé. Alors elle a patienté. Elle a balayé les appels à la prudence de son peuple, les pleurs de son ami Mani, les murmures de la Lune, et a fini par s’en aller, un beau jour.